La brasserie d’Annoeullin
Plus d’un siècle d’histoire locale...
Au début du XXème siècle, on consommait beaucoup de bière à Annœullin, comme dans toute la région du nord. Cette boisson, que l’on qualifiait alors d’hygiénique, était bon marché et peu alcoolisée. On en buvait à table et surtout à l’estaminet.
La place que tenait la bière se retrouve dans le nombre important de brasseries fonctionnant à Annœullin avant 1914 : il en existait 6 à cette époque, qui produisaient et vendaient leur fabrication locale. André Coupey les cite dans son livre "Annœullin au temps passé".
La plus ancienne, fondée en 1861 par Antoine Mauroy père (1819-1875), se trouvait rue Jean Jaurès (rue du Marais à l’époque). Son fils prénommé lui aussi Antoine, maire d’Annœullin de 1890 à1896, reprendra l’affaire. Il fit construire à côté de la brasserie une demeure pour sa famille : la Villa "Les Muses" à l’angle de la rue du Riez Bourriez.
Une autre brasserie s’installa également place de la République, dans le quartier de " la Ville " : la brasserie St Éloi dont on pouvait encore voir le nom en lettres de faïence sur le porche il y a peu de temps.
C’est en 1895 qu’Auguste Maille, cultivateur à Annœullin, décida de fabriquer sa propre bière. Il ouvrit sa brasserie en 1905, sur ce qui deviendra quelques années plus tard la place de la mairie, mais qui n’était alors que le carrefour de la Grand’ Rue et de la rue du Marais où se tenait déjà le marché hebdomadaire du mardi.
Celle qui devint au fils des années "La brasserie d’Annœullin", est la seule de la commune qui résistera au temps. Elle est la dernière de la région à fabriquer sa bière en cascade, utilisant la pesanteur tout au long de la chaîne d’élaboration, depuis le concasseur à malt jusqu’à la cuve de fermentation.
Vers les années 1930, le petit-fils, prénommé lui aussi Auguste, reprend en main l’entreprise familiale.
Quelques années plus tard, la bière, jusque là mise en fûts, est conditionnée en bouteilles.
La brasserie élabore toujours une bière blonde légère, en litre (la "bock"), ou en canette, (la "pils").
En 1950, Bernard Lepers succède à son beau-père Auguste Maille.
A cette époque, les livraisons, tant aux différents cafés qu’aux particuliers - qui achetaient leur bière de table en bouteilles consignées d’un litre à bouchon mécanique - se faisaient par chariots tirés par des chevaux. Les anciens se souviennent de ces deux chevaux demi-sang qui galopaient sur les pavés d’Annœullin au retour de la tournée, tirant leur chariot vide...
En 1976, le fils de Bernard, Bertrand Lepers, devenu brasseur à son tour, crée une bière de garde, la " Pastor Ale", une bière « brassée comme en Bavière ». Elle s’exportera jusqu’en Italie (des touristes annœullinois en ont trouvé à ...Venise !)
Il faut préciser ici que la brasserie d’Annœullin bénéficie d’une eau puisée sur place d’une exceptionnelle qualité pour la fabrication de la bière.
La brasserie d’Annœullin doit sa renommée à "l’Angélus", une bière de froment créée elle aussi par Bertrand Lepers il y a un peu plus de 30 ans.Elaborée à partir de malt d’orge et de grains crus de froment, elle a reçu les plus hautes récompenses du Concours Générale Agricole de Paris.
Aujourd’hui, Charles, le fils de Bertand et de Yolande, prend la suite. Comme son père, il a créé ses propres bières : la "Lepers 6" et la "Lepers 8", elles aussi plusieurs fois primées, comme leur aînée.
La bière de Noël, une tradition toujours respectée !
Durant le mois de novembre, les brasseries régionales lancent leurs "bières de Noël".
Si l’on en croit la tradition, la "Bière de Noël" était une bière forte (à l’époque où la bière titrait très faiblement) brassée spécialement pour les fêtes et réservée à la consommation du brasseur et de son personnel. Puis, ce fut un "cadeau" fait par le brasseur aux cafetiers, ses clients : une bière supérieure, vendue sans augmentation de prix, le nombre de fûts dépendant du débit habituel des estaminets.
Plus exactement, issue des dernières récoltes d’orges, cette bière, autrefois dite "d’octobre", bénéficiait des températures plus fraîches de l’automne et pouvait mûrir tranquillement pendant plusieurs semaines. Elle arrivait à maturité complète aux environs de Noël. Légèrement plus énergétique et plus aromatique, elle était élaborée pour affronter les froids de l’hiver.
Tradition oubliée pendant quelques temps, la Brasserie d’Annœullin a la remise au goût du jour dans les années 1970.
Il faut rappeler que la bière est un produit à consommer avec modération.
Un départ annoncé...
La nouvelle est tombée au dernier trimestre 2011 : à 107 ans, la brasserie d’Annœullin doit déménager dans de nouveaux locaux, plus fonctionnels et plus grands. Le déménagement a lieu au printemps 2012.
La "Brasserie Lepers" est désormais située au 199 bis rue Marle à La Chapelle d’Armentières.
Sources : Articles de la Voix du Nord (18/4/1980 & 29/1/2012)
Revue municipale « Le Petit Colporteur » de janvier 1989
Annœullin au temps passé d’André Coupey
Publié le 19-02-2012, révisé le 06-11-2020