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L’usine à gaz

Le mercredi 16 mai 1891, le Conseil municipal d’Annœullin délibère sur le projet de concession pour l’éclairage public et particulier dans la Commune.
Après examen des conditions offertes par les deux seuls compétiteurs qui se sont présentés, c’est l’offre de M. Déprez, directeur de l’usine à gaz de Bourbourg, qui est retenue à l’unanimité. Le Maire est chargé de signer « le Cahier des charges pour les services public et particulier de l’Eclairage et le chauffage par le Gaz », un document manuscrit rédigé sur une cahier d’écolier à double interlignes. En voici les premières lignes :
« Entre les soussignés :
Monsieur Mauroy Antoine, Maire de la commune d’Annœullin, agissant en cette qualité d’une part,
Et Monsieur Déprez gérant de l’usine à gaz de Bourbourg, agissant et stipulant en son nom pour la construction et l’exploitation d’une Usine à gaz à Annœullin, destinée à l’éclairage de la Commune et des particuliers, d’autre part,
Il a été arrêté et convenu ce qui suit :
Article 1 : La Commune d’Annœullin concède à Monsieur Déprez, ce qui est par lui accepté, le droit exclusif d’établir des tuyaux et conduites de gaz sous toutes les rues, places, voies publiques de la Commune d’Annœullin.
Article 2 : Les tuyaux pour les conduites de gaz seront en fontes ou en plomb ou en fer.
Etc... »

L’usine à gaz est construite dans la rue encore déserte qui mène à Allennes-les-Marais. Sa haute cheminée de briques fera longtemps partie du paysage au « Pavé d’Allennes ».

Elle entre en service en 1895 et dessert en gaz d’éclairage [1]
Annœullin et Allennes. Equipée d’un four à 7 cornues de 3m, sa capacité de production est de 800 m3 de gaz par jour.
Le procédé de fabrication étant discontinu [2], le gaz est stocké dans 2 gazomètres constitués chacun d’une cloche en acier de 12 mètres de diamètre reposant sur une cuve bétonnée remplie d’eau.

En 1899 se constitue la Société Anonyme du Gaz d’Annœullin qui étend ses réseaux aux communes limitrophes : Provin et Bauvin. Un 3ème gazomètre est installé dans cette dernière.

En 1915, l’usine est arrêtée. Son exploitation ne reprendra qu’après la guerre, le 1er octobre 1920. Compte tenu des dommages subis dans les installations et sur les réseaux, la production ne dépasse pas 500 m3/jour. Dans une lettre adressée au Préfet le 6 décembre 1920, le directeur doit justifier ce médiocre rendement aux autorités.
De trop faible capacité, l’usine cessera de fonctionner définitivement vers 1930. Elle reçoit alors le gaz manufacturé des cokeries du bassin minier (Mazingarbe, Drocourt) pour le réacheminer dans les réseaux de la concession. Ce gaz est d’abord stocké dans un des gazomètres encore en service qui sert de réservoir tampon.
Toutes ces installations, devenues inutiles, seront démantelées à l’arrivée du gaz de Hollande dans les années 1970.

En 1924, le Maire signe « le Cahier des charges de concession pour la distribution publique d’énergie électrique » avec la Société Anonyme du Gaz d’Annœullin qui, entretemps, a modifié ses statuts pour devenir une société de distribution d’énergie. Les premiers réseaux électriques sont établis dans les principales rues d’Annœullin.
En 1946, la loi de nationalisation du 8 avril crée les deux entreprises publiques EDF et GDF. Celles-ci installent leur agence d’Annœullin dans les locaux de l’ancienne usine à gaz, au 69 de la rue Roger Salengro, où l’on peut encore voir, à cette époque, en front à rue la cheminée et au fond de la cour la grosse cloche d’acier noire du gazomètre.
Dans les années 1980, EDG-GDF ayant libéré les lieux, la Commune rachètera la partie technique du site pour y installer ses services techniques, l’ancienne habitation du directeur de l’usine à gaz étant transformée en appartements par un particulier. Des deux platanes plantés devant cette maison, un seul était resté debout. Cet arbre remarquable, âgé de plus de 100 ans, a été abattu au début de l’année 2020.
Aujourd’hui, les dernières traces de l’usine à gaz ont été effacées avec la construction d’un immeuble d’appartements à son emplacement.


Publié le 05-02-2012, révisé le 20-08-2020

[1(1) le gaz d’éclairage (aussi appelé gaz de ville ou gaz de houille ou encore gaz manufacturé) s’obtient par la distillation de la houille à 1000°C. Cette opération s’opère dans des récipients demi-cylindriques appelés cornues, en terre réfractaire, dans lesquels on place la houille à distiller et que l’on porte à haute température en brulant du coke.

[2(2) Les conditions de travail dans les usines à gaz étaient très dures. Le déchargement du coke des cornues et le chargement de la houille avaient lieu à chaud. A sa sortie, le coke s’enflammait ; il fallait l’éteindre avec des seaux d’eau. Tout y était : chaleur, poussières, vapeurs irritantes...etc.

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